Un parcours migratoire est fait aussi bien de “oui” que de “non”. En effet certains disent non. Pas toujours et pas tout le monde profite de cette occasion et accepte ce défi. L’option de rester ancré à des règles et des us du monde d’où l’on provient et auxquels on veut rester tout de même fidèles peut conduire à se concevoir et à se poser comme alternatif ou antagoniste par rapport au nouveau contexte. Se sera inévitablement, une choses qu’il faudra à chaque fois redécider et réaffirmer à nouveau surtout en tant qu’individu, sauf dans des cas extrêmes et très rares d’auto-isolement total à l’intérieur d’un groupe autoréférentiel, vécus comme société parallèle ou corps étranger, destinés à un rôle résiduel et à une extinction progressive.
On ne peut tout de même pas nier que certains adultes exigent, en utilisant comme prétexte le respect de leur diversité culturelle et religieuse, non seulement de continuer à vivre comme dans leur village natal, mais aussi de lancer des polémiques sur des choses qu’ils auraient accepté que dans leur patrie sans discuter. Certains pères refusent de parler avec des enseignants femmes, obligent leurs épouses à ne s’occuper que des tâches ménagères, leur interdisant de sortir et d’apprendre la langue locale, ce qui les aideraient à mieux s’occuper de l’éducation et de la santé de leurs enfants. Elles restent donc renfermées dans un rôle purement affectif qui graduellement perdra sa fonction aux yeux de leurs fils, initiés ainsi à un machisme insolent et lâche. De même leurs filles ne pourront éviter de relever dans l’exemple maternel un modèle de faillite.
Cette situation risque de créer chez les jeunes une double morale: à la maison formellement respectueuse des traditions ataviques mais jamais remises en discussion. A l’extérieur, différentes formes de compromis parmi lesquelles celles «assimilationnistes», qui ne sont pas nécessairement meilleures que celles conservatrices: mettre dans un sac les habits pour se changer une fois loin du regard paternel peut être un prélude à des conséquences bien plus grave que celle provoquées par un voile porté de façon autonome, par conviction ou pour faire plaisir aux parents. Au contraire, il faut affronter dans ce cas les réserves des compères et de l’environnement dans un âge délicat ou prévaut l’esprit de bande et l’uniformisation acritique à la dernière mode (aussi idiote cela puisse paraître) il peut avoir même des effets positifs sur la formation d’un caractère indépendant, bien plus qu’une micro jupe portée avec un faux naturel et une authentique inconscience. Le courage d’être différent, vraiment différent et pour cette raison être raillés, accepter d’être une minorité (ethnique, linguistique, religieuse), n’est pas facile: se teindre les cheveux en vert, se mettre des piercings n’ importe où, se tatouer comme un aborigène est au fond un choix plus facile.
Il ne s’agit donc pas d’une confrontation entre civilisations, il n’y a pas d’identités monolithiques irréductibles qui s’opposent en un clash apocalyptique. Des processus de métissage, de redéfinition sont plutôt en cours, dans lesquels chacun aurait quelque chose à offrir et quelque chose à apprendre. Contribuer afin que ceci puisse se réaliser dans les meilleures formes est un engagement difficile et quotidien, peu bruyant, fait de patience et de sagesse.
Cette aptitude est moins avantageuse que celle de crier au loup, elle n’apaise pas comme celle de vivre dans l’illusion que tout va pour le mieux, mais elle est plus utile. C’est comme cette multitude de choses banales mais indispensables qu’au quotidien nous accomplissons pour éduquer les enfants: mettre en ordre la maison, bien accomplir son travail, obtenir de bons résultats dans un sport … ceci vous parait peu? Le monde avance grâce à tout cela, il s’enflamme de temps à autre pour des phantasmes évoqués ou construits, inutiles voir même nuisants, des fois dévastateurs.
Naturellement, au cas où l’alternative soit celle de ne rien faire, de laisser que les choses évoluent spontanément vers une composition automatique, il est alors aussi fort probable que surgissent des problèmes difficilement remédiables. Entre ces deux voies, celle de la démonisation et celle de l’ingénue et irresponsable laisser faire – malheureusement prédominantes comme le sont souvent les positions extrêmes, apparemment claire mais en réalité stériles et nuisibles – il devrait y avoir celle d’une démocratie solide et efficace, inspirée à un sain pragmatisme, capable de décourager qui se comporte mal et surtout de louer les bonnes actions. Dans ce cas, il faut du temps, des ressources, de la disponibilité à se salir les mains, de la flexibilité, du courage et de la prudence … des actions concrètes qui ne donnent pas de réponses immédiates et qui ne peuvent être utilisées pour en tirer des faciles consensus.
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