Intervenir sur le phénomène de migration signifie avant tout se confronter avec des besoins primaires: logement, travail, santé…. les nombreuses et louables initiatives qui cherchent une solution aux besoins primordiaux des immigrés sont la plupart des fois déficitaires sinon absentes de dimension culturelle qui les supporte et les oriente.
On fait simplement ce qu’il faut faire, sans trop se demander où ceci nous emmène. En d’autres termes, on reste indifférent et donc passif au résultat global de ce qui est entrepris, avec une naïve confiance que les choses s’ajusteront spontanément toutes seules, en route, pensant que les bonnes intentions en définitive suffisent à produire de bons fruits. Il semblerait presque qu’il n’y ait rien à dire ou à proposer à ceux qui poursuivent un basilaire mais non exhaustif désire de trouver des conditions de vie meilleures, et qui sont porteurs d’autres questions que nous ne savons pas interpréter, principalement parce que nous même nous ne nous les posons plus. L’assistance aux besogneux est une très bonne chose, mais réellement n’avons – nous rien d’autre à offrir, mis à part un lit ou un repas chaud ?
Deux milles ans de Christianisme, l’encore plus vielle hérédité grecque et romaine ou les récentes et souffertes acquisitions que nous avons payés chers mais qui nous ont émanciper des nationalismes exaspérés et des fureurs idéologiques du XXème nous appartiennent si peu? Ne pouvons-nous pas imaginer de les partager avec ceux qui frappent à la porte de l’opulente Europe? C’est notre mesquinerie qui nous empêche de prendre l’initiative, qui nous condamne à subir celle d’autrui? Nous pourrions répondre négativement aux sollicitations qui nous seront avancées – si elles sont d’absurdes prétentions – mais nous continuerons ainsi à ne pas faire le premier pas, nous jouerons sur la défensive et resterons inévitablement victimes de l’esprit d’initiative de nos interlocuteurs. Entre outre, parmi ces derniers, ceux qui occuperons les premières lignes ne seront pas nécessairement les plus raisonnables ou représentatifs mais – comme on l’a vu récemment dans la polémique relative au crucifix – ceux qui sauront avec plus de ruse s’insinuer dans les plis de nos misères, sans aucun respect pour les valeurs authentiques de deux grandes traditions religieuses, ceux qui sauront manipuler et créer un scénario dans lequel chacun exhibera le pire de soi. Une partie mesquine faite de chantages et basée sur l’ambiguïté. Entre-temps, la réalité, sans se soucier de notre paresse évolue et propose de nouveaux défis.
Après cette première phase du processus migratoire qui a vu prévaloir des jeunes hommes seuls, on a été ensuite confronté à la problématique de l’éducation. Cela signifie qu’un subtil mais décisif cap a été dépassé. Désormais, ce ne sont plus de simples individus en condition précaire à se poser le problème de l’école. Pouvoir envoyer ses enfants à l’école signifie avoir crée préalablement une situation de relative stabilité affective, de travail, de position sociale et économique. Une société mûre et responsable ne peut se désintéresser aux besoins des ses familles, car elles représentent la partie la plus évoluée et stable de la grande masse d’immigrés et même le plus efficace anticorps contre les possibles dérives vers des phénomènes de marginalité et de déviance, y compris la criminalité où la militance dans des groupes éversifs.
Offrir des réponses adéquates aux demandes de formation et d’éducation n’est donc pas un luxe, mais avant tout une œuvre de promotion humaine et de prévention sociale. L’idéal serait que cela puisse advenir dans les institutions scolaires publiques, qu’une valorisation des patrimoines culturels des nouveaux arrivés puisse émerger, enrichir et inspirer l’enseignement et la méthodologie, vu le cadre toujours plus pluraliste dans lequel ils sont insérés.
En absence de ces alternatives, certains pourraient entreprendre la contestable voie du « je m’arrange tout seul », en dehors des lois en vigueurs, créant une sorte de société parallèle ou même un corps étranger au pays hôte. La philosophie qui inspire un tel choix, même si en toute bonne foi, représente un danger pour les clients d’une semblable entreprise et renforce une certaine mentalité diffusée selon laquelle en Italie on peut faire ce qui nous parait bon dans l’attente d’un nouvel acte de régularisation…
La faible attention consacrée aux jeunes et aux femmes membres des communautés d’immigrés n’est pas une conséquence à une soi disante hiérarchie d’exclusion propre des cultures d’origines, mais à une immaturité de notre système démocratique. Il est encore peu enclin à offrir des opportunités à ceux qui, par leur même condition, seraient les premiers à s’y intéresser car ils pourraient en être immédiatement avantagés. On perd ainsi une précieuse occasion d’influencer ceux qui seraient en mesure de jouer tout de suite l’indispensable et délicat rôle de médiateur, non pas sur un plan idéologique mais dans la pratique quotidienne. Après tout, les institutions négligent cet aspect avec les autochtones également, éloignées et indifférentes au quotidien, ainsi que le système médiatique, capable de s’enflammer temporairement pour quelque cas de faits divers, oublier pour passer à autre chose avec autant de rapidité, jusqu’à une prochaine urgence.
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